La ruelle que j'empruntais est à présent méconnaissable. Un chantier d'envergure y est installé, prochainement vont s'élever de chaque coté des immeubles locatifs.
Bétoneuse, grue, cabane de chantier, ouvriers maçons s'agitent et s'affairent à longueur de journée, pas de place autorisée pour le public à qui il est enjoint au moyen d'un large panneau de ne pas pénétrer dans cette enceinte. Hormis les ouvriers, qui donc aurait l'envie de rester dans un tel environnement ? Sauf cette chatte blanche à larges taches marbrées grises et rousses qui semble s'être fort bien accommodée de cet univers trépidant et loin d'être dépourvu de dangers pour une petite créature féline. Et elle semble bien s'être bien familiarisée avec ce chantier ou elle doit trouver un peu de quoi s'abriter, et profiter petits partages de repas froids des ouvriers. Il est rare qu'elle s'aventure sur la route, depuis qu'elle avait failli s'y faire écraser, j'avais assisté à la manoeuvre désespérée de la conductrice afin d'éviter de percuter la petite effrontée.
de la MJC qui surplombe le chantier, je suis du regard Pomponnette qui va et qui vient le plus naturellement du Monde, entre deux camions "toupie", s'aventure sous le champ d'activités de la grue. Le contremaitre de quelques gestes précis fait signe au conducteur haut perché de stopper son engin, le temps que Pomponnette traverse cette zone dangereuse. Pomponnette fait partie de l'équipe, elle trouve à s'abriter dans la cabane en fer, où le conducteur de travaux étudie les plans, et pointe la réalité des prévisions du travail qui avance. Elle est loin d'être maigre la petite chatte depuis qu'elle s'est mise sous la protection des maçons et ouvriers du bâtiment. L'hiver se passe, et je crains que le printemps ne lui occasionne d'autres soucis que ceux de son approvisionnement quotidien en nourriture. Qu'elle se mette à faire des petits, et va savoir si cela ne va pas la mettre sérieusement en péril ? Je m'en vais en discuter avec le chef du chantier, un brave homme éprouvé par le travail très physique des chantiers, et un homme au grand coeur. C'est ce professionnel qui avec des ouvriers achètent des boites de pâtés pour chats pour nourrir leur protégée.
Auprès du vétérinaire de la ville pour faire stériliser la petite bête. Il m'assure qu'il saura la capturer et la mettre dans une boite de transport, le jour même de l'intervention. Le matin du jour de l'intervention j'entend une voix tonner du haut d'un échafaudage "Je n'ai pas donné à manger à Pomponnette, c'est le jour de son opération". Je ne l'avais qu'entendu, mais voici qu'apparait soudain le chef avec sa grosse moustache, son gros pull, ses grosses bottes, son lourd casque. Il me sourit largement, et lève un grand pouce en signe de connivence. Tout de suite après le travail, je prendrai Pomponnette, et l'amènerai à la clinique vétérinaire. Quatre heures plus tard le chef à grosses moustaches m'aide à faire entrer Pomponnette dans ma panière, et la panière dans ma vieille voiture.
et le premier bâtiment que l'équipe avait construit est déjà habité, et j'y suis même locataire à présent. Du cabinet vétérinaire je ramène Pomponnette, qui enfin est stérilisée. Bien entendu il lui faudra quelques jours de convalescence avant de pouvoir de nouveau être cachée dans son environnement. Elle reste au chaud dans mon appartement, et semble s'accommoder de mes absences. Une fois ses douleurs post-opératoires disparues, la chatte se montre assez gourmande, elle apprécie les bouchées en sauce, les fines croquettes, et ne ma lâche pas d'une semelle. Hors de question pour elle de rester dans sa corbeille, c'est sur l'oreiller qu'il lui est seulement possible de s'assoupir après m'avoir bercé de longs et lancinants ronronnements.
J'ai bien essayé de la relâcher dans son chantier... Histoire de tenir parole auprès des maçons. Mais Pomponnette ne l'entendait pas du tout ainsi. Quatre heures passées à pleurer dans le quartier, a convaincu toute l'équipe du chantier, que la construction des derniers bâtiments se terminait, et que cette chatte devait retrouver la maison, et la personne qui l'avait adopté pour la vie.